Dans la newsletter d'avril 2025, je vous faisais part de mon enthousiasme pour le dernier disque de Steven Wilson The Overview. Les deux pistes de l’album Objects Outlive Us et The Overview sont d’une durée respective de 23 et 18 minutes. Selon ses propres mots, c’est à un voyage que nous invite Steven. Faute de place dans le programme de la playlist, je vous donnais les liens sur les plateformes pour que vous puissiez vous faire une opinion et peut-être vous embarquer aussi. Cela m’a fait prendre conscience qu’une partie de mes écoutes se trouvaient de facto hors du champ de la playlist et que mon engouement pour des morceaux longs – c'est-à-dire de l'ordre de 20 minutes soit une face de 33-tours ; Le morceau final de chaque programme ne fait jamais plus de 10-12 minutes –, pour des albums complets ou encore pour des musiques d’avant-garde ou expérimentales ne trouvent pas leur place dans une playlist. Cette page vous présentera quelques coups de cœur au fur et à mesure de mes (re-)découvertes. |
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McCoy Tyner, Joe Henderson
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Enregistré au Slugs' Saloon à New York en 1966, le disque sort en 2024. Le morceau choisi est un grand classique de Joe Henderson dans sa période Blue Note et le pianiste et le saxophoniste jouent et enregistrent ensemble depuis une paire d'années. Dès les premières notes, on est scotché au siège ; s'agit-il vraiment du premier morceau joué ce soir-là ? l’énergie déployée et développée par Joe Henderson pendant ses chorus est tout à fait phénoménale. Pour en arriver à ce niveau, il faut bien sûr être supporté et poussé par des musiciens exceptionnels ; ici nous avons McCoy Tyner, Jack DeJohnette (superbe !!) et Henry Grimes. Ça me rappelle un solo de Wes Montgomery dans le disque Smokin’ at the Half Note. Le trio est composé, s’il vous plait, de Wynton Kelly, Paul Chambers et Jimmy Cobb. Les musiciens s’arrêtent de jouer les uns après les autres devant le déluge de notes et d’inventions que propose Wes ; il n’y avait alors plus qu’un truc à faire : l’écouter :
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Robert Wyatt
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En 1968, Soft Machine est en tournée aux USA en première partie de Jimi Hendrix. Robert Wyatt en profite pour passer du temps en studio à LA et à New York. Robert y joue de tous les instruments et Jimi joue même de la basse sur un morceau. Heureusement une bande tourne et c’est le fameux Moon In June, chef d’œuvre de l’album à venir Third, qui se déroule devant nous certes dans une forme primitive mais on a plaisir à reconnaître des motifs qui perdureront jusqu’à la version finale. Ne manquez pas les paroles improvisées – et donc différentes de la version du disque – qui vous indiquent où eut lieu l’enregistrement :
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Sparks
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Je n’ai jamais beaucoup écouté les Sparks même si j’apprécie leurs orchestrations et leurs textes toujours très originaux et le chant reconnaissable entre mille. J’ai donc entrepris d’écouter leurs disques dans l’ordre chronologique de parution. C’est leur deuxième et plus célèbre qui fut pour moi un vrai coup de tonnerre. La plupart de leurs albums recèlent 1, 2 voire 3 bons morceaux. Il n’y a rien à jeter dans Kimono. l'album débute avec leur tube immortel This Town ain’t big enough for both us. Je me souviens qu'il passait beaucoup à la radio à sa sortie et j'avais le sentiment que les Sparks était un groupe d'extra-terrestres apportant sur terre de nouveaux sons. C’est ensuite une succession de titres entrainants et joyeux, ponctués de batterie-basse métronomique, de guitares rugissantes et... de mots français. Le rythme est tellement échevelé qu’on ne peut s’empêcher d’enchaîner les chansons jusqu’à la dernière :
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Yes
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À la faveur d’une édition remixée par Steven Wilson, j’ai réécouté cet album. Est-ce le remix, le matériel Hi-fi qui est bien au-dessus de celui de ma jeunesse estudiantine, de mon expérience d’écoute ? En tout cas j’ai redécouvert ce disque. Nous sommes dans un paysage bucolique (chants d’oiseaux, ruisseau et petite brise) quand tout à coup surgit un monstre dont les pas font trembler le sol et les cris sont pareils à ceux d’une harpie : c’est une sorcière chevronnée ("seasoned witch") qui vous convoque. Le décor est en place, l’histoire ou plutôt le voyage peut commencer. Il s’en suivra de merveilleuses mélodies en solo ou en chœur, de grandes orgues d’église et une batterie qui se joue des changements incessants de mesures au fil du morceau. Je laisse de côté les paroles qui restent pour moi absconses – sans doute un voyage initiatique issues des lectures de Jon Anderson qui était friand de spiritualité et d’ésotérisme. Cela ne nuit en rien à la musique dont on retiendra le nombre extraordinaire de thèmes et d’idées musicales en 18 minutes sans pour autant qu’il y ait de longs solos. Chapeau bas :
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Kenny Burrrell with Art Blakey
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La réédition de cet album m’a fait repenser à ce disque acheté presqu’au hasard : c’était le label (Blue Note) et les musiciens (Blakey mais aussi Bobby Timmons) qui m’avaient séduit– et pas la pochette, tout à fait quelconque. Bien m’en avait pris. L’album était formidable – je n’ai pas toujours été aussi chanceux dans ce genre d’expérience –, déroulant un hard bop réjouissant et des solos majestueux. Depuis j’ai appris à apprécier le sax de Tina Brooks dont je suis devenu un inconditionnel. 2 ou 3 disques seulement en leader ; il avait malheureusement quelques addictions qui l’on empêché d’être reconnu au rang qu’il méritait. Alors pourquoi Swingin ‘ dans un concert qui regorge de tant d'excellentes prestations ? Sans doute à cause de cette introduction au train d’enfer de Kenny Burrell bientôt rejoint à l’unisson par Tina Brooks suivi d’une suite de solos rapides du sax, de la guitare puis de Bobby Timmons au piano. On termine avec une série de 4x4 entre Art Blakey, pour une fois sans ses Jazz Messengers, le sax et la guitare avant de revenir au thème. Quel programme !
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Gentle Giant
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On m’en dit du bien depuis bien longtemps ; ce groupe londonnien rivaliserait même avec Genesis et Yes. Alors un bel après-midi, j’ai lancé l’écoute de leur album Octopus. La claque ! Dans la grande tradition prog, il y a une histoire, une jolie variété d’instruments et des musiciens qu’on sent enthousiastes. La fin du disque arrive trop tôt et je me le remets ! La pochette est de Roger Dean, grand illustrateur chez les prog s’il en est, représente (sans surprise) une pieuvre mais Gentle Giant avait pensé au jeu de mot « Octo-opus » car il y a 8 morceaux dans l’album. Le jeu de mot a été perdu mais la pochette a participé à la renommée du disque et du groupe. Gentle Giant a développé ensuite et joué régulièrement en concert une version raccourcie du disque intitulée :
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King Crimson
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C’est l’album qui est toujours classé dernier dans les listes des critiques ou des amateurs. Même Robert Fripp a semblé regretter d’avoir publié ce disque, le premier en public de KC à l’issue de la tournée américaine de 1972. Il faut dire que, enregistré sur un magnétophone à cassette à l’arrière d’un van, la musique ne peut pas être rendue dans sa meilleure forme. On peut dire que Fripp a réalisé en 1972 son premier bootleg officiel. La maison de disques américaine n’a pas voulu le sortir et la britannique l’a fait dans une collection à prix modique… Il fallait bien, qu’un jour, j’aille plus loin que le premier couplet du premier morceau du disque (21st Schizoid Man) où la voix du chanteur est saturée au possible et n’engage pas à écouter la suite. On a affaire ici à des extraits de concerts de morceaux jammés où les musiciens donnent libre court à leur imagination. Le son est brut de fonderie, d’une part du fait des conditions d’enregistrement, mais aussi parce que le groupe jouait ainsi pendant cette tournée. Au-delà de Fripp qui est majestueux dans ses solos de guitare, le batteur, Ian Wallace, frappe ses toms et ses cymbales comme un damné et le sax, Mel Collins, s’en donne à cœur joie en poussant son instrument aux limites du possible. Je suis moins convaincu par le chanteur/bassiste même quand il scatte. On pourrait résumer en disant que le disque est plus proche d’un exercice de Jazz-Rock free que d’une production de rock progressif. En gardant à l’oreille les disques de Chico Freeman, d’Archie Shepp ou d’autres, on est bien dans l’esprit du temps de ce début de 70s. Une meilleure prise de son et plus d’auditeurs hors de la sphère de Crimson lui auraient sûrement donné une autre vie. À écouter : Groon. :
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Pink Floyd
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Cet enregistrement n’existait qu’en VHS ou plus tard en DVD. On pouvait trouver des pirates sur vinyles. Je n’avais pas vu le film. La sortie cette année du DVD et des pistes sonores comble une longue attente et constitue une vraie révélation (à l’instar des sessions Get Back des Beatles montées par Peter Jackson et diffusées en 2021). Voir le groupe mythique développer devant nous ses titres dans un décor somptueux et une lumière magique. Il y a même des bouts de sessions en studio et l’en entend les prémices de ce qui deviendra On The Run, Us And Them ou encore Brain Damage sur The Dark Side Of The Moon alors en gestation. Le producteur avait voulu que les morceaux joués comprennent ceux de leur dernier LP Meddle mais aussi des titres plus historiques. On a dont droit à A Saucerful Of Secret ou Careful With That Axe Eugene. Tout est bon dans ce documentaire. Je ne sais pas choisir ; prenez donc le premier morceau :
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