la playlist de janvier 2021

On termine 2020 sur le mode tranquille. Le réveillon sera on ne peut plus calme et le repos de ces derniers jours de l’année est propice à l’écoute en douceur de musique.

Le programme de ce mois comprend encore une fois des morceaux enregistrés en solo soit à cause du Covid-19 (Laura Marling) soit du fait que le chanteur a fait des infidélités à son groupe (Matt Berninger des Nationals).

C’est toujours intéressant et cela provoque l’écoute active quand on nous met à disposition les outtakes des sessions d’enregistrement des disques qu’on connait déjà par cœur. Ici c’est le fameux Time Out de Dave Brubeck qui est à l’honneur et leur Blue Rondo a la Turk dans sa prise 1. On est un peu dépaysé avec un son du saxo plus âpre et les soli s’étirent un peu.

Mary Halverson est une jeune guitariste que je se suis depuis quelques années. Elle a, cette fois, convoqué Robert Wyatt - oui, le batteur de Soft Machine et le géniteur du génialissime Rock Bottom et je pèse mes mots - pour chanter sur quelques titres. Prenez le temps d’écouter le son de la guitare, ce son dérangeant qui nous fait nous demander si la guitare n’est pas désaccordée ou si la musicienne joue bien dans le temps ; et pourtant on est envoûté. De son propre aveu : "I do like things that are unexpected. I often don't like music that's predictable, so you know what's coming next. I like to throw in things that maybe are a little less predictable."

Des hommages avec, pour les 40 ans de l’assassinat de John Lennon, ce morceau des Beatles de 1965 qui me donne toujours la chair de poule. Hommage aussi à Sophie Boulin, soprano, qui participa activement à la renaissance du Baroque en France dans les années 80 avant de quitter la scène pour cause de tumeur au cerveau. Sa voix est claire au possible. Dans l’extrait choisi, tiré du Alessandro de Händel, on est encore au stade de la découverte de cette musique. Le da capo est encore chanté copie conforme de la première partie.

En parlant de da capo, on a vu, dégusté, adoré ces derniers jours un opéra de Nicola Porpora, le rival de Händel à Londres, Carlo il Calvo (Charles le Chauve). C’est Max-Emanuel Cencic qui l’a sorti des oubliettes et il a eu bien raison. De plus la distribution est au sommet : Julia Lezhneva, Max-Emanuel Cencic, Franco Fagioli ; les autres chanteurs moins connus sont tout aussi exceptionnels. Il faut bien ça car les airs demandent une ENAURME technicité et une incroyable agilité du haut en bas de chaque tessiture. L’opéra fut créé à Rome en 1738 et Porpora est toujours fidèle à la structure établie pour l’opéra napolitain avec des airs en A A’ B A1 A’1. Ça pourrait finir par être lassant si Cencic n’avait déployé des trésors d’imagination dans la mise en scène pour faire de chaque reprise une petite scène en soi. Enfin il y a de bout en bout un art de la mélodie qu’on ne trouve que rarement : pas loin de 4 heures de spectacle où chaque minute est un régal. Un mot enfin du livret : l’intrigue raconte comment, à la mort de Louis le Pieu, fils de Charlemagne, et les différentes familles complotent et se disputent la succession. Charles le Chauve prendra finalement le trône. L’action a été transposée à Cuba dans les années 20 dans une lutte entre clans mafieux. Cette transposition est plus que réussie et colle admirablement à l’action et aux airs.

On peut le voir sur YouTube : Partie 1 et Partie 2.

Si vous voulez en avoir une idée, regardez les 15 dernières minutes de la partie 2. C’est cela qui m’a donné envie de voir l’œuvre en entier. Je me rends compte que les sous-titres sont en allemand mais qu’importe, vous n’avez pas besoin de comprendre pour apprécier la scène finale. Vous pouvez aussi vous abonner à Mezzo (vous avez encore le temps sur janvier). Enfin, vous avez un des airs par Franco Fagioli, dans une autre production, au sommaire de cette playlist.

Je me suis un peu étendu mais il est rare que je ressente autant d’émotions pour un spectacle regardé sur un écran à domicile.

Je mentionnais plus haut les morceaux qu’on connait bien. Ar Re Yaouank dans leur tube M.A.L. cette fois-ci en public avec une basse ferme et déterminée au milieu d’un instrumentarium typiquement breton. Vous avez remarqué dans les épisodes précédents que j’aime bien Andy Shauf. Voici dans le même registre, J.E. Sunde.

On a aussi Davy Graham et son Anji : Oui, il a déjà été programmé mais c’est un nouvelle découverte chaque fois que je l’entends. Idem pour le Boss parce que c’est son meilleur disque depuis longtemps.

Il y a aussi le groupe Archive et son Again : mais dites-moi, c’est un inédit de Pink Floyd ? En tout cas ça s’écoute et se réécoute ad libitum.

Notre tour du monde se limitera ce mois-ci à la Chine avec Ji Chen Deng enregistré en 1965. Originaire de Hongkong, c’est d’abord un acteur avec une centaine de films énumérés sur Wikipédia et aussi un chanteur, la plupart du temps en duo.

Une mention pour Louis Philippe, chanteur français depuis une quarantaine d’années, que je viens de découvrir. Il vit à Londres et ses albums sont toujours très originaux. Il a une technique de chant très solide - ce qui surprend dans le monde de la pop - flirtant ici avec le lyrique dans un morceau de Poulenc sur un poème d’Apollinaire.

Il y a un an (une autre époque) M terminait sa tournée à Bercy le 19 décembre. Je vous propose un extrait de ce spectacle fabuleux : j’en connais qui y étaient et qui n’en sont toujours pas revenus, faisant tourner en boucle le vinyle du concert sur leur platine.